Je dois avouer que depuis le début de notre Aven’tour, le pays que j’appréhendais le plus était… l’Inde. Surtout qu’Etienne ne cessait de me répéter le fameux dicton : « l’Inde, on l’aime ou on la hait ». Après 3 mois passés dans ce pays, je dois bien dire que l’Inde je l’aime… et je la hais à la fois. L’Inde dépayse, décoiffe, bouleverse même, mais elle a ce côté fascinant qui fait que l’on s’y sent si bien ; l’Inde met une claque dans la figure de chaque personne qui s’aventure sur son territoire, mais quelque part, on sent que cette claque nous remet les idées en place ; l’Inde peut parfois nous énerver, nous autres occidentaux, mais elle a ce côté complètement grisant qui nous pousse à dire en la quittant que l’on devra forcément y revenir un jour. Bref, l’Inde ne laisse pas indemne.
« Pourquoi ? » me direz-vous. Plus qu’aucun autre pays, rien ne peut résumer l’Inde ; je vais tout de même essayer de vous laisser percevoir ce qui m’a attirée.
Peut-être que ce qui m’a attirée en Inde, c’est que l’on se sent vivre plus intensément. Notre système de perception est complètement saturé par les informations qui nous parviennent : que ce soient les informations visuelles, auditives, olfactives, gustatives ou sensorielles… tout se bouscule pour former un véritable cocktail explosif ! On voit tellement de choses nouvelles et déroutantes, on vit tellement tout le temps dans la cacophonie, on sent tellement d’odeurs à la fois gourmandes et dégoûtantes, on mange très souvent tellement épicé et on se fait tellement bousculer, attraper, regarder… La plupart du temps, ce cocktail explosif est grisant et fascinant ; mais parfois, il donne soudain envie de crier « STOP » et de s’enfuir dans le silence… Dans tous les cas, il donne toujours l’impression d’être sur une toute autre planète !
Vous aimerez l’Inde si vous aimez marcher au hasard des ruelles ; être bousculé par les scooters, les chiens errants, les vaches sacrées et les gens ; ignorer si ce que vous allez manger 1) correspondra à ce que vous avez commandé, 2) ne sera pas trop épicé, 3) ne laissera pas de séquelles trop importantes sur votre transit intestinal ; être très souvent pris en photo par les locaux ; voir des choses complètement différentes de ce que vous avez l’habitude de voir, quitte à souvent en être choqué ; ne pas avoir trop d’idées fixes sur l’organisation du voyage car en Inde… il faut souvent s’adapter ; sympathiser avec les gens pour un rien, que ce soit les petits vendeurs de rue, les passants ou les touristes que vous rencontrerez ; sentir des odeurs complètement différentes, parfois agressives ; vivre continuellement dans la cacophonie et dans le désordre.
Vous aimerez l’Inde si vous aimez remettre en question vos certitudes, vous éloigner de votre quotidien, vivre une aventure radicalement différente de tout ce que vous avez pu vivre jusque-là et apprendre à voir les choses sous un autre angle. En fait, vous aimerez l’Inde si vous aimez sourire à l’inconnu, au différent, au chamboulement ; et si vous aimez distribuer des sourires à tour de bras car le sourire sera le seul code que vous aurez en commun avec toutes les personnes merveilleuses que vous rencontrerez !
Vous l’aurez compris, l’Inde est un pays complètement chaotique mais tellement attachant… Et comme je le disais au début, l’Inde ne laisse pas indemne. Que ce soit le rire bourré de joie des enfants des rues, le regard complice de ces femmes vivant dans des taudis mais toujours très soignées, la main tendue de ce mendiant ou les taquineries des vendeurs dont nous sommes devenus amis ; que ce soit l’émouvante majesté du Taj Mahal, l’activité fascinante au bord du Gange à Varanasi, les hauteurs glacées de Darjeeling ou l’incessante cacophonie des rues de Calcutta… Que ce soit l’une de ces choses ou toutes ces choses ensemble peut-être, l’Inde nous a touchés en plein cœur et restera à jamais quelque part en nous…
« Etienne, il est 18h, il faut qu’on parte si l’on veut être à l’heure à l’adoration ! ». Sur ces paroles, nous attrapons notre sac à dos, bouclons nos sandales et dévalons les escaliers avant de quitter la relative quiétude de notre hôtel. Vous voulez venir avec nous ? C’est parti pour 20 minutes de marche dans la cacophonie des rues de Calcutta !
En sortant de l’hôtel, il faut d’abord éviter les scooters qui arrivent à fond la caisse dans notre ruelle, avant d’affronter les odeurs écœurantes des toilettes publiques. Ensuite, arrivés sur la rue principale, il faut dire « non » aux rickshaws (autrement appelés « les hommes-chevaux ») qui nous hèlent à coup de « Mother House ! Mother House ! » - pour la énième fois, non merci, je préfère y aller à pied plutôt que de tranquillement reposer mes petons pendant qu’un pauvre homme use les siens – et toute sa santé en général – à me tirer jusqu’à ma destination. Une fois cette étape passée, il faut réussir à traverser sans se faire écraser par les voitures, taxis et autres tuk-tuk qui arrivent à toute vitesse. La technique qu’un ami m’avait donnée c’est d’avancer sans hésiter et en regardant droit devant – grosse frayeur garantie mais bizarrement, ça marche ! Une fois la rue traversée – hourra ! -, il faut se frayer un chemin dans la foule qui se presse près des bus, puis marcher jusqu’à la prochaine grande rue à traverser. Là, même combat, tout l’enjeu est de rester en vie malgré les taxis agressifs et les tuk-tuk intrépides qui vous foncent dessus comme si le but de la conduite était d’écraser le maximum de piétons. Une fois de l’autre côté de la rue, vous pouvez souffler un peu et crier de joie car jusqu’à Mother House, il n’y aura plus de rue à traverser ! Mais ne vous réjouissez pas trop non plus… cela ne veut pas dire que la route ne sera pas semée d’embûches !
Reprenons donc la marche. Sur votre gauche, des hommes se douchent en plein air – c’est normal. Un peu plus loin, des vaches, des chiens et des corbeaux se nourrissent goulûment dans un immense tas d’ordures fumantes – c’est normal. Au cours de votre marche, vous verrez peut-être un gars pédalant sur une bicyclette couverte de poulets vivants – c’est normal. Dans la ruelle que vous empruntez ensuite, des hommes dépècent sans vergogne les cadavres des vaches qu’ils viennent d’abattre – c’est normal, il est autorisé de tuer des vaches dans le quartier musulman et il faut croire qu’ici voir des têtes de vaches ouvertes et des morceaux de charogne en plein air ne dégoûte personne. Dans cette même ruelle, à chaque écart que vous faites sans vraiment crier gare, vous vous prenez au pire un scooter, un vélo ou un rickshaw en pleine face, au mieux une avalanche de coups de klaxon ou de cris – c’est normal. Et vous aurez peut-être souvent envie de tousser, de vous moucher et de cracher vos poumons face aux petits feux que les Indiens font à même la chaussée pour brûler le plastique – c’est normal, une journée à Calcutta équivaut à fumer 3 paquets de cigarettes. Enfin, et c’est là le moins drôle, vous serez hélé par plusieurs mendiants au cours de votre trajet – c’est normal, une grande partie de la population de Calcutta vit dans la rue et, si vous ne pourrez jamais complètement vous y habituer, il vous faudra du moins apprendre à sourire à toutes ces personnes et à parfois vous arrêter pour discuter avec elles et pourquoi pas leur offrir un repas.
Une fois passée la rue musulmane grouillant d’activité – et de scooters, de vélos, de rickshaws, de piétons, de vaches, de chiens, de corbeaux, d’ordures, d’étals dégoûtants, de petits feux et de rats, vous pouvez continuer à peu près tranquillement jusqu’à Mother House, havre de paix au milieu de tout ce chaos. Mais avouez-le, vous avez adoré ces 20 minutes de marche ! Finalement, même si l’on ne peut mettre un pied dans la rue sans être immédiatement sous tension permanente, marcher dans les rues de Calcutta donne une vision de l’Inde bien plus riche que ce que n’importe quel guide ne pourrait vous apprendre… Ici, une immense partie de la population vit, mange, dort, se lave, travaille et meurt dans la rue… Et l’autre partie passe de toutes façons la majorité de son temps à flâner et s’activer sur la chaussée, conférant aux rues de Calcutta ce côté complètement chaotique et grisant !
Février 2017